Rareté de main-d'œuvre: les travailleurs plus âgés reçoivent le mauvais signal

Le Québec aurait grand besoin d’augmenter le taux d’emploi des travailleurs plus âgés pour répondre à son problème de rareté de main-d’œuvre. Mais, pensées en fonction d’une autre époque, la plupart des conventions collectives ne font malheureusement rien pour aider les choses, constate une étude.

« Le cadre institutionnel qui régit le marché du travail ne s’est apparemment pas suffisamment ajusté à la réalité du vieillissement de la population. Malgré la rareté grandissante de la main-d’œuvre, bon nombre de contre-incitatifs à l’emploi limitent encore aujourd’hui l’activité des travailleurs âgés », conclut l’étude d’une quarantaine de pages qui doit être dévoilée mercredi par le Centre sur la productivité et la prospérité (CPP) de HEC Montréal.

L’analyse d’un peu plus de 10 % des quelque 6000 conventions collectives en vigueur au Québec révèle que 53 % de celles du secteur public et 59 % de celles du secteur privé ne disposent d’aucune clause visant les travailleurs de 60 ans et plus. Quant aux mesures passives (accommodement de préretraite, aménagement du temps de travail, etc.) ou actives (semaine réduite, vacances additionnelles, allègement de la tâche, etc.) qu’on y retrouve, la grande majorité mènent « systématiquement les travailleurs vers une sortie du marché du travail au lieu de chercher à les retenir à long terme ».

Vous avez dit culturel ?

Ce retard du Québec en matière de participation des travailleurs âgés au marché de l’emploi s’observe aussi bien chez les hommes que chez les femmes, et tant chez les diplômés universitaires que les travailleurs moins qualifiés, mais pas chez les immigrants.

Le directeur du CPP et coauteur de l’étude, Robert Gagné, admet volontiers que le problème n’est probablement pas le fait uniquement des organisations syndiquées. « Mais ces contrats ajoutent certainement une inertie au moment de s’ajuster à une réalité qui passe d’une logique où l’on était presque pressé que les gens prennent leur retraite, à une logique où l’on voudrait inciter les travailleurs à rester le plus longtemps possible », a-t-il fait valoir en entretien téléphonique avec Le Devoir.

« On entend souvent dire que cette tendance [des Québécois] à vouloir prendre sa retraite plus tôt que les autres serait culturelle, mais je suis porté à croire que beaucoup de gens seraient contents de continuer à travailler quelques années de plus si ça s’accompagnait de certains accommodements et leur permettait de conserver des revenus de retraite suffisants plus longtemps. »

Le professeur en veut particulièrement aux gouvernements pour leur myopie d’il y a 10 ou 15 ans, quand il était encore temps pour que des solutions à long terme, comme les gains de productivité et l’immigration, soient déployées en prévision du vieillissement de la population. « Il n’y a rien de plus facile à prévoir que les facteurs démographiques », déplore-t-il.

Robert Gagné voudrait maintenant que le secteur public donne l’exemple en matière de maintien au travail de ses employés âgés. « Ce serait quelque chose sur laquelle tout le monde — le gouvernement, les syndicats, les travailleurs — serait d’accord. »

Source : Rareté de la main-d'œuvre: les travailleurs plus âgés reçoivent le mauvais signal | Le Devoir


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